Top 10 des “reason to believe” en “Public Relations” 1/2

Dans le domaine de la publicité, le message se décompose en un « claim » (c’est la propriété miracle de votre produit, dont vous volez convaincre les consommateurs) et une « reason to believe » qui est en quelque sorte la preuve qui fait que l’ont peut croire votre « claim ».

Le registre de la preuve est ici très large (et lâche), puisqu’il s’étend de l’argument d’autorité (« c’est le meilleur fromage, puisque Zizou en mange), à la démonstration (« je touille dix secondes mon t-shirt sale dans du Ariel, et il ressort tout propre »), en passant par la pseudo-démonstration (« ce déo permet au type de la pub de séduire toutes les jolies filles, il me permettra à moi aussi de draguer au dessus de ma catégorie »), le faux-avis de mes pairs («  Mme X, interviewée dans la rue, trouve cette margarine extra »), le pseudo-avis d’expert (« le monsieur en blouse blanche dit que ce dentifrice est très bien »), et jusqu’à l’injonction normative (« 68% des français ont apprécié notre jambon »).

De plus, on sait que ces différentes reason to believe ne sont pas toutes dotées de la même force probatoire : les consommateurs sont plus ou moins sensibles aux arguments et recommandations, selon la source dont ils émanent par exemple, selon le contexte de réception, selon le medium employé pour le délivrer…

Si l’on sort du champ publicitaire pour se concentrer sur les Public Relations (que l’on pourrait traduire par « affaires publiques / relations institutionnelles / lobbying / communication corporate »), en revanche, les choses sont moins claires. D’une certaine façon, il y a également un « claim » : « mon candidat est le meilleur », « mon entreprise pollue mais elle crée des emplois »…. Mais quel est le régime probatoire de ce type d’assertion ? Autrement dit, quelle est la « reason-to-believe » du message en Publics Relations ?

Le budget com’ du millénaire…

Lorsque l’on travaille, de près ou de loin, dans un domaine apparenté à la « communication », on est souvent interrogé sur le « pourquoi » de telle ou telle « mauvaise » communication : un gouvernement qui perd une élection, une entreprise qui cause une pollution massive, un scandale qui éclate… La conviction sous-jacente est qu’une bonne communication pourrait transformer la perception de tout évènement, de toute réalité, éventuellement jusqu’en son contraire. Si l’on pousse le raisonnement jusqu’au bout, cela voudrait dire que, doté d’un budget adéquat, il serait toujours possible de gagner la bataille des perceptions.

Faisons donc l’hypothèse du budget du millénaire : que permettrait-il d’espérer, au mieux ?

Est-ce qu’une élection se gagne ou se perd selon la qualité de la communication mise en place ? Pourrait-on faire changer d’avis une population entière sur un sujet ? Un mauvais produit bien « communiqué » peut-il s’imposer ?

Nous en reparlerons…

Du dogmatisme au doxatisme

L’époque des idéologies, des mass medias et des autorités hiérarchisées était caractérisée par une manifestation verticale du pouvoir, s’exerçant du « haut » vers le « bas », des élites vers les masses, des experts vers les néophytes, des journalistes vers leurs publics… Ceux qui avaient le droit de donner leur avis l’imposaient à la masse présumée informe, sous la forme d’un dogme, c’est-à-dire une opinion (« dogma ») émise par une autorité, qui la dispense d’examen critique et la mets à l’abri de toute contestation. Il faut donc entendre par dogmatisme l’ensemble des idées, des représentations et des attitudes imposées « par le haut », ou « top-down » en franglais courant.

Or, ce mode d’imposition du pouvoir connaît une mutation profonde. De nombreuses tendances ont en effet contribué à faire émerger un nouveau lieu d’exercice et une nouvelle provenance du pouvoir : la base. Le monde politique a été le premier[1] à prendre connaissance de cette rupture, les partis (ou les syndicats) se retrouvant de plus en plus souvent en confrontation directe avec leur « base », obligés de satisfaire des exigences de plus en plus virulentes et de plus en plus bruyantes. De même, les élus ont été confrontés à la pression grandissante de divers groupes de pression, allant du Nimby aux sensibilités les plus diverses (environnementalistes, défenses catégorielles…).

Avec l’irruption des enjeux de responsabilité sociale des entreprise, les dirigeants du monde économique se retrouvent désormais à partager avec les politiques la soumission à ce « tribunal de l’opinion » qui caractérise désormais nos démocraties libérales. Cette nouvelle opinion, qui exerce son pouvoir de bas en haut (ou « bottom-up »), règne sur les champs les plus divers de nos existences. Elle commande les politiques publiques d’investissement, punit les entreprise qui dérogent à ses diktats, plébiscite les produits et les discours qui savent surfer sur ses tendances, et impose ses mots ou ses représentations… Les philosophes qualifient de « doxa » cette opinion de la base, ses préjugés, ses certitudes souvent irrationnelles et mal assurées.

De ce point de vue, on peut donc considérer que nous sommes passés du dogmatisme au « doxatisme », ce pouvoir qu’à le nombre de peser dans les débats, dans les esprits et dans les comportements.

D’autant que de nouveaux outils[2] ont permis au grand nombre de saisir de plus en plus directement ce pouvoir, notamment sur internet. De nombreuses limitations ont toujours été fixées à la possibilité de s’exprimer sur l’Agora, la Place centrale du débat public. Mais le web et ses applications les plus récentes (blogs, médias participatifs, communautés numériques…) ont mis un terme à ce monopole sur l’expression publique, pour le meilleur et pour le pire…

Désormais, les entreprises et les organisations doivent donc gérer leurs prises de parole dans un environnement beaucoup plus complexe. Il s’agira pour elles de se montrer capable de panacher des stratégies on- et off-line, en ne laissant pas le monopole de la parole à une Doxa pas toujours inspirée[3], et en défendant leurs valeurs et leurs approches dans le débat public, au sein d’une Agora qui s’est démocratisée, dématérialisée et dont le pouvoir a décuplé.


[1] En réalité, la base a été elle-même la première « victime » des diktats de la base, à travers un nomativisme de tous les instants forçant tout un chacun à scruter chaque aspect de son existence -ma vie sexuelle, mes goûts, mon modèle familial…- au prisme du normativisme de ceux que font les autres, et qui est donc « normal ».

[2] De nouvelles tendances aussi, avec la baisse du crédit accordé aux institutions, parallèle à la montée du crédit accordé au pairs et à leurs recommandations.

[3] Cela suppose d’avoir parfois le courage de la contredire, mais aussi et surtout de savoir adopter ses codes, et d’aller sur son nouveau terrain de prédilection : internet.